Lettre n°44 – Mai 2023

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Sucy, points d’histoire

Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie (shas.fr)

THEOPHILE SOMME, sculpteur à Sucy

Tout le monde connaît le monument aux morts juste devant l’église St Martin à Sucy. Mais saviez-vous que le sculpteur qui a réalisé ce monument était sucycien ?

Théophile Somme est né le 9 septembre1871 à Nancy et il est mort le 4 août 1952 à Sucy en Brie. Il habitait notre ville depuis 1911 au 32 Rue Gambetta. Il a eu trois épouses, Emilie Rantz, Marie-Louise Dansler et Marie-Louise Even. Il a eu trois fils.

C’était un autodidacte qui n’avait côtoyé aucune école d’art ni avait été dans un atelier d’artiste reconnu. Cela ne l’a pas empêché d’être exposé au célèbre Salon annuel des Artistes à Paris à partir de 1893 et d’être reconnu par ses pairs au point d’y recevoir la Médaille de bronze en 1923 puis la Médaille d’argent en 1924 et enfin la Médaille d’or en 1925 avec une œuvre intitulée « Tutti Quanti ». Il reçut également la Médaille d’or en 1937 lors de l’Exposition internationale. En 1927, le musée de Nancy acquiert son œuvre « Souvenez-vous » qui avait reçu le prix de l’Yser.

En 1910, il est décoré de la Médaille d’Officier de l’Instruction Publique, destinée aux hauts fonctionnaires tels que les Recteurs ou les Présidents d’université. Cette distinction honorifique deviendra les Palmes Académiques en 1955.

Comme tous les créateurs du début du siècle, il fait partie du mouvement « Art Nouveau », appelé également « Style nouille » à cause de ses formes en arabesques qui s’inspirent de la nature.                                                                              

Il sculpte notamment des œuvres où il associe le bronze avec l’ivoire (autorisé à l’époque). Ce sont des CHRISELEPHANTINES.  

Par rejet du classicisme et en opposition avec l’industrialisation, un mouvement naît à la fin du 19e siècle appelé « Art Nouveau » ou « Style nouille ». Il inspire tous les arts et les artisanats d’art tels que les bijoux et les verreries avec Daum et Lalique, entre autres. L’architecture portée par Violet Le Duc se reconnaît facilement ainsi que les bouches de métro de Paris qu’on appelle le « style Guimard » du nom de celui qui les a créées.

Après la Première guerre mondiale, il entre dans la mouvance de l’« Art Déco » et change radicalement de style.

« L’Art Déco » s’impose vers 1920 pour connaître un déclin dans les années 1930. Ce nom vient d’une exposition à Paris en 1925 intitulée « Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes ». De nouveau, ce mouvement va influencer tous les arts et l’artisanat d’art mais plus précisément l’architecture. La façade du Musée des Colonies, Porte dorée à Paris illustre bien ce style. C’est un retour à une certaine rigueur dans les tracés géométriques en réaction au « style nouille ». Le peintre Fernand Léger en est un exemple flagrant. En découlera le mouvement cubiste.

En 1920, Théophile Somme sculpte « La danseuse au repos », d’inspiration égyptienne, très à la mode à cette époque-là.

En 1921, il présente au Salon des Artistes Français son projet de monument aux morts pour la ville de Sucy. Il remporte le concours public et le projet est adopté par le Conseil Municipal le 12 janvier 1921 avec une enveloppe budgétaire de 1 000 francs pour couvrir les frais de son inauguration qui a lieu le 9 mai 1922 et une subvention globale de 1 600 francs.

C’est un monument où Théophile Somme a voulu représenter une France grave et déterminée sous les traits de sa belle-sœur Emile Vibert.

Tous les éléments de cette création sont des symboles forts : la France est debout et les seuls attributs féminins sont la chevelure et les drapés de la robe dans le plus pur style « Art Déco », le casque et l’épée évoquent la guerre mais l’épée est au repos, la victoire est enfin acquise, les bras sont inclinés au- dessus de la liste des morts évoquant à la fois le regret de leurs disparitions et la Patrie qui protège leurs mémoires, le drapeau est discret, à l’arrière de la statue, la France sera toujours là pour le défendre. Le choix du sommet triangulaire évoque le clocher de l’église et donne ainsi une dimension spirituelle et en harmonie architecturale avec l’édifice religieux.

Fervent catholique, il sculpte des personnages religieux tels que :

Le christ au livre (Église Sainte Jeanne de Chantal)
Vierge de Lourdes (Église saint Martin)

En 1922, il remporte de nouveau le concours pour le monument aux morts de Boissy Saint Léger avec toujours la même inspiration : une Patrie apaisée sous les traits d’une femme protectrice, sans attributs guerriers. On peut reconnaître facilement dans le drapé de la robe et la chevelure le style « Art Déco » de l’époque. Cette stèle est dédiée aux morts de 1870 et de 1914-1918, le côté pacifique incarne l’expression populaire pleine d’espoir :« La der des ders ».

A gauche de la photo, Théophile Somme est assis en compagnie de sa femme Marie Louise et de son fils Roger. C’est un homme de petite taille dont la posture évoque le côté déterminé du personnage.Parallèlement à ses créations officielles, il crée des œuvres telles que :

Le livre
Les deux amis

A partir de 1934, il présente régulièrement ses œuvres de type « Art déco » à l’exposition annuelle des Beaux- Arts de Saint Maur, organisée par la Société des Amis des Arts de Saint Maur, avec des œuvres qui figurent au catalogue comme : « Portrait de Me. Scheurzel », « Prière de l’enfant », « Ah ! Les Cornes » et « Deux amis », une terre cuite proposée également à Sucy en Brie, et qui figure encore à Maison Blanche grâce au don de M. Bernard Méa.

Passionné par son art, il désire transmettre son savoir faire et sa technique. Il propose au Conseil Municipal de Sucy d’ouvrir des cours gratuits bi-hebdomadaires de dessin et d’ornement et figures de mode pour les jeunes qui n’ont pas la possibilité ni les moyens de se former dans les écoles parisiennes. Le Conseil Municipal adopte le projet le 22 juin 1920, lui attribue une subvention de 150 francs pour ses matières premières et lui met à disposition une salle de classe dans l’école des garçons.

Il étend son enseignement à la préparation aux concours d’entrée aux écoles supérieures et devient en 1930 professeur en titre de dessin et modelage pour l’Association Polytechnique, fondée en 1830 par le élèves de l’École Polytechnique et reconnue d’utilité publique en 1869.

Par ailleurs, il fonde après la Libération l’association « Art et Culture » à Sucy dont il est le Président avec Fernand Barbier, peintre figuratif et Vice-Président et Marius Aubertin, peintre et graveur.

Tous les trois organisent au château de Montaleau des expositions annuelles qui permettent ainsi à leurs pairs d’échanger et de s’enrichir les uns les autres comme l’avait vécu Théophile Somme à travers ses diverses expériences avec le Salon des Artistes Français à Paris (qui existe toujours) . Il avait pu évoluer de l’ »Art Nouveau » à l’ »Art Déco ».

A l’heure actuelle, il reste un artiste côté (c’est-à-dire reconnu dans le marché de l’art) et dont les œuvres ne peuvent pas être bradées si on désire les acquérir. Il reste célèbre, surtout aux Etats-Unis et ses ventes sont guettées par les collectionneurs avisés. Son tombeau se trouve au cimetière de Sucy en granit sous les traits d’une jeune fille implorante. Allez le voir !

Lettre préparée par Annick Febvre.

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