Lettre n°45 – Juin 2023

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Sucy, points d’histoire

Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie (shas.fr)

Cours communes

Qu’appelle-t-on des cours communes ?

C’est un style d’habitat caractéristique de ce que l’on peut appeler la « colonisation rurale ». Il s’agissait de fixer en un village une population vivant auparavant, sans doute misérablement, de l’exploitation des bois et des roseaux afin de gagner et défricher des terres à cultiver.

Le mouvement a duré dans tout l’Occident entre le Xe et le XVe siècle.

Un document du chapitre Notre-Dame de 1117 mentionne 12 cours communes à Mandres et on peut supposer qu’il en était de même à Sucy.

Forme et évolution des cours communes

Au départ les cours communes étaient des sortes de passage où les maisons et les cours étaient alignées et qui donnaient accès au jardin ou à une autre rue.

Rue du Moutier (le puits est visible à droite sous les arbres)

A l’angle de la rue de la Porte et de la rue du Four [rue Guy Moquet aujourd’hui] en 1658 la maison du sieur Passevent était longée par une ruelle qui donnait accès au jardin.

Une autre cour couloir permettait le passage de la rue du Puits de Retz [Rue du Temple] à celle du Moutier ; cette cour passage subsiste mais aujourd’hui le passage est fermé.

Plan reconstitué de Sucy au XVIIIe siècle par Françoise Balard

Petit à petit et notamment aux XVIIe et XVIIIe siècles le cœur de la ville s’est étendu au-delà du noyau formé par la rue de la Croix [rue de Boissy], de la Porte et du Moutier vers les rues du Four et la rue du Puits de Retz. Les cours et les jardins se sont trouvés enclos dans l’ensemble du quadrilatère.

À partir de cette époque la cour commune est devenue un ensemble de bâtiments de plusieurs propriétaires ou locataires se partageant l’espace avec des équipements communs :

  • les puits communs à deux maisons (dans la rue du Moutier dans les cours aujourd’hui aménagées en jardin, rue de la Porte, rue de la Croix),
  • les toilettes (peut-être),
  • le four à pain,
  • la foulerie pour le raisin (une foulerie était encore visible il y a quelques années rue du Moutier derrière la boulangerie et le tabac dont il ne reste rien).

Les maisons se composaient essentiellement d’une pièce à vivre, une chambre à l’étage desservie par un escalier et un grenier par une échelle et bien sûr des dépendances.

Les cours ouvertes pour certaines subsistent encore :

Photo ancienne de la cour de la Recette (le fronton à été détruit lors de l’installation des pompiers)
  • cour de la Recette (du chapitre),
  • cour de la maison de la Guette (rue du Temple),
  • cour de la ferme Charpentière (rue Ludovic Halévy),
  • cours rue de la Porte.

Cours fermées :

  • cour derrière la pharmacie (rue du Temple) aménagée en jardin terrasse
  • rue du Moutier derrière les 23 et 25 (cours très vétustes, dont une prolongée par un jardin transformée en jungle. Elle doit faire l’objet d’un projet de réhabilitation et de construction)
25 rue du Moutier

Conséquences de cet habitat

L’enchevêtrement des habitats crée des situations assez cocasses :

Rue du Moutier un certain Louis Bouin louait un rez-de-chaussée avec fournil attenant et Louis Lefebvre locataire du premier étage venait cuire son pain au fournil « lors et quante fois que besoin sera ».

Charles Bardou locataire d’une travée de maison rue de la Porte supportait que Pierre Billat, vigneron, locataire d’une autre travée mette son vin et le tire dans la cour correspondant à sa travée de l’autre côté de la cour en traversant la cuisine de Bardou ; tous deux cuisinaient leur pain dans le four situé dans la partie louée à Bardou et partageaient une étable.

Rue du Four, Jean Michel louait un bas de maison et une chambre au-dessus d’une cuisine où logeait le maçon Charles Garnier et, sur la maison voisine, la moitié d’une étable située au bas de la cour ainsi que la moitié d’un trou à fumier.

Germain Danin propriétaire à Sucy autorise son voisin le boulanger Charles Collin à faire construire sur le mur du jardin de sa maison une aile de pignon pour une foulerie à condition de ne faire aucune vue ni égout du côté du jardin.

Tout cela créait certainement des rapports difficiles et un manque certain d’intimité.

C’est en partie une explication de l’affaire Pierre Le Loup fondée sur les ragots et les médisances quelque criminel que fut le comportement de Pierre Le Loup.

Dans les témoignages le concernant il est dit : « Le loup regarda par un trou dans la porte qu’il déboucha du papier » « Le loup ôta un papier qui bouchait les rayures de la porte » « Le Loup ôta les tuiles du grenier là où il voyait par la fenêtre ».

Les cours aujourd’hui

Aujourd’hui ce patrimoine est difficilement accessible car la plupart des cours communes sont en copropriété et aménagées en jardin d’agrément ; leur accès est aujourd’hui privé.

Bibliographie

 J-P Nicol, Les cours de Mandres, CLIO 94 (2009).

Michel et Françoise Balard,  Sucy des origines à la Révolution (Tome 1).

Françoise Balard, Prostitution, diffamation et vie quotidienne, dans « Mémoires Paris et Ile-de-France », t.39, 1988.

Lettre préparée par Eliane Cobeno.

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