Lettre n°64 – Mai 2025

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Sucy, points d’histoire

Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie (shas.fr)

Les tableaux de l’église Saint-Martin (suite et fin)

Comme annoncé dans la lettre précédente, voici la description des autres tableaux de l’église Saint-Martin.

Localisation des 9 tableaux visibles dans l’église
(Les 2 derniers sont sur la tribune, de part et d’autre de l’orgue)

Judith et Holopherne

Le tableau est placé à l’entrée de la chapelle Saint Joseph.

Judith et Holopherne

C’est la copie ancienne d’une fresque de 1628 de Zampieri Domenico dit le Dominiquin. Conservé à Rome dans l’église San Silvestro al Quirinal.

Ce tableau étant inscrit dans un ovale, la copie que nous avons a été mutilée, comme le prouvent les jambes tronquées de l’enfant au premier plan.

Notre tableau a été restauré en 1999.

Le Dominiquin (1581-1641), formé dans l’atelier de Calvaert, rejoint l’Académie Bolognaise, puis part à Rome pour rejoindre Carachi. Il a participé à de nombreuses commandes et travaillé pour les Farnèse.

Son travail lent et méticuleux s’inspire aussi bien du baroque que du classicisme d’un Raphaël, voire même de Caravage. Sa théorie esthétique c’est que la beauté n’est pas le résultat de l’imitation de la nature mais l’imitation de l’idéal.

Ce tableau reprend l’histoire de Judith, héroïne juive, qui sauva la ville de Béthulie, assiégée par Holopherne, général de Nabuchodonosor (roi de Babylone), en lui coupant la tête après l’avoir séduit. Les juifs assiégés purent alors forcer la sortie et mettre les ennemis en fuite. Judith fut sauvée et vécut très âgée.

Le couronnement de sainte Thérèse d’Avila

Le tableau placé dans le cœur a été très abîmé après avoir été placé pendant longtemps au-dessus de la chaufferie.

Le couronnement de Sainte-Thérèse d’Avila
Pierre Delestrée

Il a été possiblement attribué à Pierre Delestrées (peintre du XVIIe siècle) lors de sa restauration en 2005 par la restauratrice Madame Catherine Lascroux. Il a travaillé dans les ermitages du Carmel de Pontoise et réalisé de nombreuses représentations de la Sainte. Son existence est juste attestée par les archives du minutier central, mais aucune œuvre n’est référencée (extrait de Les collections du Carmel de Pontoise).

Le tableau ayant subi une première restauration qui ne semble pas avoir été faite de manière déontologique, son état était donc très dégradé par un rentoilage à la colle de pâte qui s’était désolidarisé et une touche picturale détachée de son support. Au revers il y avait des traces d’humidité. Des repeints du XIXe siècle couvraient le manteau du Christ et 80% de l’œuvre.

La restauration a consisté en un rentoilage et une retouche sous forme de réseaux de traits verticaux juxtaposés d’une couleur pure sur les parties lacunaires tout en mettant en valeur les couches d’origine retrouvées. On a décrassé l’ensemble, allégé le vernis.

Sens de ce tableau : sainte Thérèse d’Avila fonda le premier couvent à Avila dans l’intention de réformer l’ordre le 24 août 1562. Quatre jeunes filles prirent l’habit et le voile blanc, elles furent les premières novices de cet ordre. Le jour même Thérèse fut contrainte par sa supérieure de rejoindre son couvent d’origine, abandonnant ses jeunes novices. Dès que l’autorisation de fondation fut acquise, Thérèse revint. Elle écrit « Ce fut pour moi un jour de grande consolation. Avant de pénétrer dans le monastère je fis oraison dans l’église. Là, étant presque en ravissement, je vis Jésus Christ me recevoir avec beaucoup d’amour et me mettant une couronne sur la tête, me témoigner sa satisfaction de ce que j’avais fait pour sa mère. »

La toile fait référence à cet épisode.

Repos durant la fuite en Égypte

Le tableau est placé au bas-côté nord.

La Sainte Famille durant la fuite en Egypte
Le Dominiquin (ou copie)

La toile fut offerte par M. Charles Ginoux de Fernon (1832-1907) maire de Sucy. Le don est mentionné en haut à droite du tableau en tous petits caractères.

Ce serait un tableau original du Dominiquin selon M. Jacques Foucart, conservateur du Louvre ; ce qui en ferait la seconde œuvre présentée dans l’église. Certes les figures rappellent les types physiques peints par le Dominiquin mais M. Stephan Loiré, conservateur du Département des peintures du Louvre, consulté en 2005 lors de l’inscription à l’Inventaire après la restauration de 1999, émet des doutes et pense plutôt à une copie d’autant plus qu’on ne trouve aucune référence d’une telle composition dans la monographie du Dominiquin.

Ce tableau que l’on peut intituler aussi La Sainte Famille avec le petit Jean-Baptiste présente quelques particularités qui le distinguent des fuites en Égypte. On y voit le petit Saint Jean-Baptiste représenté symboliquement aux côtés de Jésus qu’il baptisa plus tard.

D’un côté deux anges se penchent vers la Vierge et les deux enfants avec une attitude que l’on peut qualifier de maniériste et de l’autre côté Joseph regarde les enfants d’un air bienveillant tout en tenant des lunettes dans sa main droite pour lire un livre placé devant lui. Le détail est d’un réalisme attendrissant.

Cet épisode de la fuite en Égypte figure dans l’évangile selon Saint Matthieu (chapitre 2 versets 13-14) « un ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « lève-toi et prends le petit enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; et restes-y jusqu’à ce que je te prévienne. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Il se leva, prit de nuit avec lui l’enfant et sa mère et se retira en Égypte. »

Caïn et Abel

Tableau exposé au bas-côté nord.

Caïn et Abel
Georges Paradis

C’est un tableau original signé par Georges Paradis (1797-1850), exposé au Salon des artistes français en 1848. On n’a aucune trace du donateur ni de son arrivée à Sucy.

Restauré en 2000, inscrit à l’Inventaire en 2005.

Georges Paradis est un peintre que l’on peut qualifier de romantique ; il fut l’élève des peintres Gros et David.

Il est surtout l’auteur de scènes de genre comme Le retour du cultivateur dans sa famille en 1832, Paysans de retour du marché passant le bac en 1834, mais aussi de tableaux historiques : en 1823 il fut chargé d’exécuter des peintures à l’occasion des fêtes données au duc d’Angoulême au retour de la guerre d’Espagne. Autre tableau historique Extinction de la famille d’Armagnac.

Ce tableau que l’on peut intituler aussi Le châtiment de Caïn, est une représentation dramatique, dans sa composition et ses couleurs, d’un thème biblique venant du livre de la Genèse souvent représenté.

Caïn, jaloux de son frère Abel dont leur père Adam avait préféré le cadeau, l’attira dans un champ et le tua. Alors le Seigneur s’adressa à lui « La voix de ton frère crie vers toi du sol. Maintenant tu es maudit du sol qui a ouvert sa bouche pour recevoir le sang de ton frère. »

Cette idée du châtiment de Caïn poursuivit par le remords est illustré par le poème de Hugo La conscience extrait de La Légende des siècles avec le vers final du poème très connu : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. »

Saint-Pierre et Saint-Paul

Ces deux tableaux sont placés sur la tribune, de part et d’autre de l’orgue, et ne sont visibles au public que d’en bas lorsque la tribune est éclairée.

On n’a aucune information sur ces tableaux que l’on peut dater de la fin du milieu du XIXe siècle. On ne sait ni qui les a donnés ni comment ils sont arrivés à l’église.

Ils sont tous les deux chargés de symboles.

A côté de Saint-Pierre la tiare en or et le coq, à l’arrière-plan une colonne tronquée et la coupole de Saint-Pierre, mais aussi des brebis conduites par un berger. Il tient dans sa main une clé.

Évangile selon Matthieu : « Je te donnerai les clés du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié. » Le coq représente évidemment le reniement de Pierre condamné par les paroles de Jésus reprises chez Matthieu (16) et raconté chez Luc (22) : à ceux qui disent « cet homme était aussi avec lui » Il le nia disant « femme je ne le connais pas » peu après un autre l’ayant vu dit « tu es aussi de ces gens-là » et Pierre dit « homme je n’en suis pas ».  Chez Matthieu (26 versets 69 à 75) : « Je ne connais pas cet homme » aussitôt le coq chanta et Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite « avant que le coq chante tu me renieras trois fois » et étant sorti il pleura amèrement.

La tiare est le symbole du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, les clés sont les symboles des deux pouvoirs. La coupole de la basilique représente le lieu de son martyre et la colonne antique brisée représente la fin des religions païennes. Les brebis conduites par un berger représentent la mission pastorale de Pierre.

Paul lui est représenté avec l’épée comme le centurion Romain qu’il était lorsqu’il eut la vision de Damas. C’est aussi l’instrument de son martyre : en tant que citoyen Romain il fut décapité au lieu d’être crucifié.


Lettre élaborée par Eliane Cobeno

Remerciements à Bernard Méa, Pascaline Le Tinier et Marc Giraud pour leur aide précieuse.

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