Lettre n°54 – Mai 2024

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Sucy, points d’histoire

Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie (shas.fr)

L’INSTITUTION DU PETIT VAL A SUCY EN BRIE

Un domaine en constante mutation

Le domaine du Petit-Val est mentionné dès 1250, trois châteaux y ont été construits successivement, l’un au XVe siècle, un second au début du XVIIe siècle. Puis au début du XVIIIe siècle, le château existant est profondément transformé, le parc est aménagé et des bassins sont ajoutés.

Le bâtiment visible aujourd’hui date du début du XVIIIe siècle et a été constamment modifié au cours des siècles suivants : ajout de deux ailes et d’un étage notamment. Au XIXe siècle le parc est doublé et agrémenté d’un jardin anglais avec un lac et une rivière.

Le dernier propriétaire, un banquier américain Charles-Frédéric Moulton achète le château en 1841. Sa belle-fille Lillie, cantatrice célèbre qui connut son heure de gloire sous le Second Empire, a reçu au château des visiteurs célèbres : Auber, Gounot, Liszt, Massenet. Mais le domaine, très endommagé par l’occupation prussienne pendant la guerre de 1870 est délaissé puis vendu en 1888 en plusieurs « ilots » destinés à être lotis.

A la fin du XIXe siècle : le château devient un établissement d’enseignement.

Le lot numéro 1 comprenait le château, 5 hectares de terrain, une ferme avec ses divers bâtiments.Il est acheté par la congrégation des Filles de Marie Immaculée (sœurs Marianistes) le 7 juillet 1890 pour y établir un pensionnat de jeunes filles et un noviciat (d’où le nom de couvent parfois attribué à tort au Petit Val). Celui-ci deviendra unique en remplacement de celui d’Arbois et de celui d’Auch.

L’évolution du domaine et des bâtiments

Le temps des rénovations 1890-1945

Dès l’achat du domaine, la congrégation fait face à d’importants travaux de rénovation et d’entretien. Il faut construire les murs de clôture, réparer et adapter l’intérieur du château à sa nouvelle fonction.

Une grande véranda est appliquée sur la façade de l’aile nord et une statue de la Vierge à l’enfant est érigée dans le parc.

La statue (en 2024)

Entre 1894 et 1896, la chapelle est édifiée par Raymond Puthomme, architecte, et Augustin Bemelmans entrepreneur à Sucy. La bénédiction a lieu en février 1896 au son de la fanfare de Sucy.

La chapelle (en 1938)

L’électricité est installée en 1927.  Auparavant, les élèves bénéficiaient d’une installation de fortune. C’était, selon le témoignage d’une ancienne élève, Marguerite Loup, « un gaz d’essence fabriqué par un appareil qui marchait avec des contrepoids et de l’eau ».

Dans les bâtiments de l’ancienne ferme, les classes primaires s’installent en 1933 et l’aile sud est  prolongée jusqu’au bâtiment abritant la communauté.

L’ancienne ferme

Le temps des grandes transformations : 1945 – 1969

Après la seconde guerre mondiale qui, comme la première, n’a pas affecté les bâtiments, le  domaine ne cesse d’évoluer au gré de besoins de plus en plus importants témoignant de la vitalité de l’institution scolaire du Petit Val.

Parmi les travaux et aménagements principaux, on peut citer :

  • Un terrain de sport (1946),
  • Le bâtiment « Chaminade »[1] (1959) prolonge la galerie du château et offre en sous-sol et au rez-de chaussée des espaces supplémentaires utilisés comme salles de classe et comme préau.
Grande galerie (en 2024)
Galerie Chaminade (en 2024)

1966 voit l’installation du gymnase, de 2 garages, d’un atelier et de 2 espaces de rangement sur l’emplacement des bâtiments annexes de l’ancienne ferme. En 1969, l’aile nord du château est prolongée de 6 mètres et la véranda de la façade nord supprimée.

En 1976, les réfectoires ne suffisant pas à l’accueil des demi-pensionnaires, la grande chapelle est transformée en réfectoire pour le collège et le lycée. Le chœur est isolé par un rideau côté réfectoire et côté chœur des religieuses. Celui-ci est à la fois chapelle pour l’établissement et pour la communauté.

Le temps des nouvelles constructions 1977 – 2023

Le domaine de Petit-Val connaît deux changement importants.

La résidence des Cèdres est créée en 1977 dans le parc pour accueillir des religieuses en retraite et des personnes âgées. En 1998, la direction, assurée par les sœurs à l’origine, devient laïque et en 2005, l’établissement agrandi devient un Ehpad (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes). Actuellement, en 2024, 86 personnes âgées y sont accueillies. L’établissement est géré par l’Association Monsieur Vincent qui gère une vingtaine de structures fondées par des congrégations dont 6 en Val de Marne.

Les sœurs qui habitaient dans l’aile nord du château le quittent et s’installent dans leur nouveau lieu de vie « Béthanie », en 1988.

Concernant l’institution du Petit-Val stricto-sensu comme établissement d’enseignement, divers chantiers sont à noter.

En 1987, le préau de la galerie « Chaminade » est transformé en classes et des verrières sont installées afin d’offrir des espaces supplémentaires et de les éclairer.

Les classes primaires étaient toujours installées dans des anciens bâtiments de la ferme et dans l’ancien noviciat. Ceux-ci devenus vétustes, il était nécessaire de trouver des solutions. L’école maternelle était installée non loin de la galerie Chaminade dans un bâtiment préfabriqué en mauvais état.

L’école maternelle est construite en 1989 dans une partie du parc avec une entrée particulière rue de Brévannes.

L’école maternelle

Cette même année, le préfabriqué accueillant l’école maternelle et celui dénommé « Don Bosco » sont démolis.

Sur l’emplacement de « Don Bosco » sont installés de nouveaux bâtiments préfabriqués et un préau est construit.

L’année 1992 voit la mise en service du restaurant scolaire qui va se révéler rapidement trop petit.

Certaines pièces de la ferme ne pouvant plus être utilisées, une partie des classes de l’école primaire s’installe provisoirement dans une partie de l’aile sud des bâtiments du château en attendant la construction de l’école primaire inaugurée en septembre 1995.

L’école primaire (en 2024)

La ferme et le noviciat sont démolis en 1995 pour céder la place à la construction de l’école primaire.

La chapelle est transformée avec la dépose des vitraux, l’agrandissement des ouvertures, la création de 2 niveaux : le rez de chaussée devient salle de récréation, le 1er étage salle de devoirs surveillés et le 2ème, une salle polyvalente. Les voûtes et la rosace de la chapelle sont conservées. Le chœur des religieuses devient chapelle de l’établissement. Les anciens vitraux sont restaurés et reposés.

La chapelle (en 2024)

En 2011-2012 : construction du lycée[2] (Bâtiment Adèle) au niveau de l’entrée en haut de la rue de Brévannes. Le restaurant, mis en service en 1992 s’étant révélé trop petit, un grand réfectoire en rez-de-chaussée du bâtiment Adèle est ouvert. Seule subsiste de l’ancien restaurant la salle octogonale ou salle Chaminade.

Le lycée (en 2024)
La salle Chaminade (en 2024)

Une extension du château réalisée côté aile sud permet la création de salles, laboratoires et offre un accès aux handicapés grâce à un ascenseur. A cette occasion, un espace, style patio avec de la verdure a été créé. Ces aménagements sont inaugurés en 2018.

En 2023, l’école maternelle est démolie ; l’école primaire sera également détruite pour laisser place à un bâtiment regroupant les classes primaires et maternelles (150 élèves). Ce bâtiment sera situé sur l’emprise foncière de l’ex école maternelle.

Pour notre bonheur, le château du XVIIIe siècle à l’élégante façade blanche trône toujours au milieu du parc même si de nombreuses transformations et l’ajout de nouveaux bâtiments ont peu à peu modifié sa physionomie et celle de son parc

le château (en 2024)

L’évolution de l’institution

L’institution du Petit Val a connu bien des aléas au cours de son histoire, mais elle a résisté avec vigueur et l’histoire de ses bâtiments en témoigne.

La première rentrée scolaire a lieu le 7 octobre 1890 avec 4 internes, quelques demi-pensionnaires et 10 religieuses ; les premières novices arrivent l’année suivante.

Les effectifs s’accroissent régulièrement :

  • 1895 : 50 élèves,
  • 1899 : 60 pensionnaires,
  • 1902 : 72 internes,
  • 1911 : 55 pensionnaires [3].

Dès le début, l’enseignement dispensé est d’un bon niveau, la preuve en est d’un réel succès aux examens : « 1902 : 4 brevets élémentaires, un brevet supérieur, une première partie de baccalauréat moderne » (Historique du Petit Val par Mère Marie Louise Verluise).

Avec le nouveau siècle, les problèmes surgissent. En 1901, la loi sur les associations contraint les congrégations à demander une autorisation sous peine de dissolution. Les sœurs déposent une demande qui est refusée en janvier 1903, et l’ordre est donné de fermer le pensionnat dès le mois d’août suivant. Une tentative de vente au frère d’une religieuse pour éviter la confiscation échoue et Petit Val devient bien d’État.

Le 7 juillet 1904, le président du Conseil, Émile Combes, signe une nouvelle loi interdisant aux congrégations d’enseigner.

Pour détourner cette interdiction, certaines sœurs reprennent l’habit civil et la direction de l’établissement est confié à une laïque, ancienne novice ; l’enseignement peut se poursuivre. Depuis la sécularisation la directrice loue les bâtiments à l’État qui ne se charge d’aucune réparation.

1913 : c’est la première kermesse, qui sera suivie de beaucoup d’autres chaque année fin juin pour la joie des enfants et des parents avec la célébration d’une messe, un déjeuner commun et des petits spectacles présentés par les élèves avant la kermesse et ses jeux.

La Grande guerre n’affecte pas réellement l’activité du pensionnat et la rentrée scolaire a lieu normalement avec 60 élèves dont 30 pensionnaires en dépit de l’occupation d’une partie des locaux par des militaires travaillant en journée au fort de Sucy.

Après plusieurs tentatives, en 1922 des familles d’élèves achètent le domaine mis en vente par l’État : « la société Petit Val du Rocher » est née, qui restitue les biens aux sœurs sous couvert d’une société civile immobilière.

En 1935, le noviciat, qui deviendra international après la guerre compte tenu de l’expansion de la Congrégation s’installe de nouveau à Sucy. Du fait des lois anticléricales du début du 20ème siècle, il avait été déplacé, même en dehors de la France, à plusieurs reprises.

L’année 1937 voit l’ouverture d’un cours ménager (les élèves suivent deux périodes de 4 mois et apprennent la cuisine, couture, repassage et cannage).

En 1939, Petit Val est déclaré institution d’enseignement secondaire.

En juin 40, le pensionnat s’installe à Agen et à Auch[4] pour réintégrer le Petit Val dès le 25 juillet. La rentrée s’effectue avec 135 élèves.  Le domaine fut très brièvement occupé par l’état-major français le 12 juin pour 36 heures environ.

Pendant cette période, L’établissement se transforme en « ferme » avec des vaches, moutons et un potager afin de produire des denrées pour nourrir les pensionnaires malgré les restrictions imposées par les allemands.

En 1944, l’établissement accueille des élèves venant d’autres banlieues, Sucy étant considéré comme plus sûr que des villes plus proches de la capitale.

L’été 44, une fois les pensionnaires parties, le Petit-Val servira de refuge à d’anciennes pensionnaires accompagnées de leurs enfants.

En août, le domaine hébergea quelques jours sur réquisition des soldats blessés allemands ;  le domaine ne subit pas de dommages importants même si dans les archives des sœurs il est écrit : « […] Il nous reste à nettoyer ! Des journées entières la voiture à âne ramasse les objets brisés et les ordures laissées dans le parc ».

La gestion de l’établissement scolaire est portée par une association d’éducation populaire constituée essentiellement des parents d’élèves, cette association connaîtra différentes évolutions jusqu’ à l’OGEC d’aujourd’hui.

En 1959 est voté la loi Debré qui instaure un système de contrats entre l’État et les écoles privées qui le souhaitent. L’État accorde une aide mais en contrepartie, les programmes doivent être les mêmes que dans l’enseignement public (le catéchisme devient une option). L’inspection devient obligatoire et les enfants ne partageant pas la même religion que l’établissement ne peuvent être refusés. Les enseignants sont rémunérés par l’État selon les mêmes grilles indiciaires.

L’enseignement privé existe alors sous 4 formes :

  1. Enseignement privé sous contrat d’association avec l’État, la plus importante ;
  2. Enseignement privé sous contrat simple ;
  3. Enseignement privé hors contrat ;
  4. Enseignement familial par la famille. (Wikipedia)

C’est ainsi qu’en 1961, le primaire est mis sous contrat simple, le secondaire reste hors contrat. En 1970, l’ensemble de l’établissement est mis sous contrat d’association avec l’État.

L’institution subit un grand bouleversement en 1966 ; le Conseil Général de la Congrégation puis le noviciat partent s’installer à Rome.

Afin de sécuriser les biens immobiliers, les évêques demandent aux congrégations dont les biens sont propriété des sociétés civiles immobilières la transformation de ces sociétés civiles immobilières en associations loi 1901, c’est ainsi que la SCI Petit Val devient Association Immobilière Petit Val du Rocher (Journal officiel du 18 août 1972).

En 1973, l’administration provinciale des Marianistes pour la France est fixée à Sucy et s’installe dans les locaux du pavillon d’entrée.

La fermeture du pensionnat est progressive et sera définitive en 1976.

L’année 1990 est marquée par la fête du centenaire de l’école qui donna lieu à une belle fête. (photo 13)

La direction de l’établissement scolaire devient laïque en 1992-93 ; Madame Bigand va remplacer sœur Marie-Luce Baillet.

En 2024, l’ensemble scolaire Petit Val regroupe écoles maternelle, primaire, collège et lycée et compte 1500 élèves.

La gestion de l’institution repose actuellement sur deux organismes :

  • Une association immobilière propriétaire des biens immobiliers. Depuis le 20 octobre 2020, il s’agit de l’association immobilière Lutetia[5]. La congrégation dispose d’un droit de veto sur les décisions prises par l’association.
  • Une association loi de 1901, l’OGEC[6] qui assure la gestion financière et comptable, entretient le patrimoine immobilier et mobilier et est l’employeur de tous les personnels non enseignants y compris le directeur ou la directrice. La congrégation fait partie de l’association et dispose d’un droit de veto via la représentante de la communauté.

Les directeurs de l’institution sont nommés par la responsable de la Congrégation (Autorité de tutelle) qui leur confie la mission de diriger l’école, le collège et le lycée dans l’esprit de la Congrégation selon le statut de l’Enseignement Catholique.

L’établissement Petit Val appartient au Réseau Scolaire Marianiste qui compte 9 sites et scolarise 12000 élèves en France.

Plan de 1990 – brochure du centenaire
Vue aérienne (en 2021)

Lettre réalisée par Catherine Martzloff et Laurence Gaillard.

Nous remercions particulièrement sœur Marie-Laurence pour l’aide précieuse qu’elle nous a apportée.

Sources

  • collection Bernard Méa
    • album photo de 1928 (H Tourte et M Petiti, Levallois)
    • brochure du centenaire
    • histoire du Petit-Val par Mère Marie-Louise (Directrice 1954 – 1970)
  • tome 3, Histoire de Sucy
  • entretiens avec sœur Marie Laurence et  consultation d’archives de la congrégation
  • entretien avec M. Chauvet, ex-président de l’OGEC
  • entretien avec M. Meyer, ancien professeur

Notes

[1] Bâtiment Chaminade : Guillaume-Joseph Chaminade, né à Périgueux (Dordogne) le 8 avril 1761 et mort à Bordeaux le 22 janvier 1850, est un prêtre religieux français, fondateur de la Société de Marie (Marianistes). Il a été béatifié le 3 septembre 2000 par le pape Jean-Paul II.

[2] Architecte : Office Parisien d’Architecture.

[3] Voir les travaux de Marc Giraud – lettre mensuelle n°29 de décembre 2021

[4] Auch : maison mère des Marianistes.

[5] Elle regroupe pour des raisons de facilité de gestion les différentes associations immobilières propriétaires des biens de la congrégation.

[6] Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique.

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