Lettre n°30 – Janvier 2022

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Sucy, points d’histoire

Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie (shas.fr)

La Société Historique est heureuse de vous présenter ainsi qu’à vos proches, tous ses meilleurs vœux pour cette année 2022.

Pour cette lettre mensuelle N°30, la SHAS vous présente une étude dirigée par Eliane Cobeno, assistée par Isabelle Gadoin-Latreyte, et présentée le 27 novembre 2021 dans le cadre de la 31 ème édition du colloque de CLIO94. Le sujet de cette étude est L’ORIGINALITÉ DES SENTIERS ET DES CHEMINS DE SUCY-EN-BRIE

L’ORIGINALITÉ DES SENTIERS ET DES CHEMINS DE SUCY-EN-BRIE

Situation du village de Sucy-en-Brie in Itinéraires pour une découverte du passé. S.H.A.S. Septembre 1986

Pourquoi le site de Sucy-en-Brie peut-il être interrogé plus précisément à propos de l’environnement naturel ?

Sucy-en-Brie a été un village comme d’autres dans le passé où les chemins et les sentiers sillonnaient la campagne et les bourgs ; mais Sucy-en-Brie, proche de la capitale, était dès le XVIIe siècle un lieu de villégiature apprécié des familles riches et nobles, justement grâce à cette présence importante de forêts et d’espaces verts. De plus le village, lui-même a gardé longtemps son aspect rural. Sa situation géographique et géologique resserrée sur un plateau avec un versant descendant vers la Marne a nécessité des chemins et des sentiers permettant la desserte des parcelles cultivées. Ces parcelles assez petites (2ha pour la plupart et 5 au maximum) étaient consacrées à l’élevage jusqu’au début du XXe siècle et aux cultures, particulièrement à la vigne et aux vergers. C’est ainsi que l’on dénombrait 41 chemins et 24 sentiers. Malgré la transformation et l’urbanisation évidentes du bourg, l’héritage de la nature est très présent et nous allons le voir à propos des chemins et sentiers, en montrant l’importance de leur nombre, leur persistance avec quelques modifications et même, ce qui est le plus original, une présence directement héritée du passé au cœur même de la ville.

LES CHEMINS

Ils sont classés en plusieurs catégories:

  • Les chemins de grande communication assurant la liaison avec de grandes routes et des villes plus ou moins importantes et éloignées.
  • Les chemins vicinaux qui joignaient les villages voisins. Ces deux types de chemin se recoupent et se rejoignent parfois.
  • Les chemins ruraux qui permettaient l’exploitation des bois et cultures.
Des chemins de grande communication et vicinaux se trouvent dans la partie OUEST du territoire, sur les terres basses et marécageuses.
  • Ainsi le chemin de Champigny à Villeneuve-Saint-Georges commençait au Chemin vert et se terminait au territoire de Boissy-Saint-Léger.
  • Le Chemin Vert commence sur le chemin vicinal n°3 de Sucy à Bonneuil, se dirige vers la N19, traverse le chemin de grande communication de Fleury-Mérogis à Champigny et se termine au territoire de Bonneuil.
  • Le Chemin du Marais commence au Chemin vicinal N°3, il est latéral à la voie ferrée sur une partie de son parcours et se termine en impasse.
C’est dans la partie EST et boisée du territoire que l’on trouve le plus grand nombre de ces chemins de grande communication.
  • Le Chemin de la Queue-en-Brie à Brie-Comte-Robert:
    • Ce chemin apparait sur la Carte de l’Abbé de La Grive de 1740, puis sur le cadastre napoléonien de 1811 et sur tous les plans ultérieurs (excepté sur celui de 1907 dû au géomètre, M. Garciot de Sucy-en-Brie en raison d’un problème de recours juridique avec le Prince de Wagram). Il commence à la Queue-en-Brie, traverse le Bois Notre-Dame et se dirige vers Brie-Comte-Robert en passant par le Carrefour des huit routes. Au XXe siècle il prend le nom de chemin du Poteau.
  • Le Chemin de Marolles à la Queue-en-Brie:
    • Au sud, il commence au territoire de Marolles, traverse le quartier des Bruyères, le Carrefour de la Patte-d’Oie formé par la rencontre des chemins ruraux n° 21, 23, 28, 32 et la rencontre des chemins ruraux n° 25 et n° 2 dit de la Mare ou de la Gueule Noire pour se terminer à la Queue-en-Brie.Il est devenu route de Marolles-en-Brie, puis, après le carrefour, chemin de Saint-Nicolas.
  • Le Chemin dit route de la Mare ou de la Gueule Noire et chemin du Bois Grand Val:
    • Ce dernier chemin commençait à la Fontaine de Villiers sous le nom de chemin du Bois-Grand-Val; c’est ainsi qu’il est mentionné en 1728 sur le plan topographique de Sucy, puis en 1811 sur le plan cadastral. Ensuite il rejoint le chemin de la Gueule Noire pour s’enfoncer dans le bois Notre-Dame et se terminer face à l’allée Dauphine.
  • Le Chemin dit Route Royale:
    • Il commence au territoire de Boissy-Saint-Léger, traverse les Bruyères et le bois Notre Dame au carrefour de la patte d’oie pour aboutir au territoire de la Queue-en-Brie. D’autres chemins ont disparu, ainsi la route des Bécassines re-colonisée par la forêt. Nous constatons que ces chemins occupent, sur le territoire de Sucy-en-Brie  le quartier des Bruyères et s’enfoncent dans le bois Notre Dame
Les chemins ruraux à l’intérieur de la ville.

Un certain nombre d’entre eux ont disparu : ainsi le chemin des Grès (ou Grais), le chemin de la Fontaine de Villiers, le chemin de la Grande voie de Noiseau, le chemin du Cimetière, le chemin de Ceinture du Fort.

La référence la plus ancienne à trois de ces chemins se trouve sur le plan de Sucy-en-Brie  en 1412, puis sur le plan de 1691 appartenant au Chapitre de Notre-Dame, ensuite en 1728 sur le cadastre et enfin sur le cadastre napoléonien de 1811. Ces trois chemins sont la voie de la Procession, qui deviendra la rue de la Procession, la Vieille Voie qui en 1728 sur le plan topographique devient le chemin du Gros buisson, puis en 1811 chemin de la Saussaye-Cuisant, pour devenir chemin des Grès ; il est coupé par la construction du fort en 1879-1881 et disparait en 1986 lors de l’implantation de la ZAC du Fort. Le chemin de Villiers au bois Notre-Dame devient dès 1691 le chemin de la Fontaine de Villiers, il est coupé lui aussi par la construction du fort et disparaît également en 1986. Il n’en reste qu’une partie, sur le territoire de Noiseau, qui aboutit sur ce que l’on appelle la Coulée verte.

Évolution du nom et du tracé des différents chemins :

  • Chemin du Clos de ville devenu rue du Clos de ville.
  • Chemin de la Voie Suard devenu avenue du Petit val et rue Albert Dru.
  • Chemin du Clos Bourgoin devenu Rue du Clos Bourgoin.
  • Chemin des Monrois devenu rue de la Cité verte.
  • Chemin des Picards devenu rue Charlotte et Roger Bouchard.
  • Chemin du Moulin de Touillon qui est devenu rue Lamartine et rue des Deux Communes et n’a gardé son nom que sur un petit tronçon qui longe le parc du Morbras.
LES SENTIERS

C’est évidemment la partie la plus originale pour le territoire de Sucy-en-Brie .

Plan E. GARCIOT 1907
Sentiers subsistants dans les différents quartiers de Sucy-en-Brie en 2021- collection privée
Reconnaissance des sentiers

Les sentiers étaient en principe plus étroits que les chemins (1,33m environ) même si parfois les deux appellations se superposent, notamment dans ÉTAT DE RECONNAISSANCE DES CHEMINS RURAUX (1897). En 1895, une délibération du Conseil municipal décide de l’élargissement de certains sentiers ruraux et en 1896 la commission départementale homologue la proposition du maire et la notification en sera faite en 1897.

  • Le sentier de Coulanges est porté à 9m et deviendra la rue de Coulanges.
  • Les sentiers des Picards, des Fontaines, du Clos de ville, seront portés à 8m. Les sentiers de la Carrière et de Chaumoncel à 7m seulement. Il est à noter que ces sentiers deviendront des rues.
ÉTAT DE RECONNAISSANCE DES CHEMINS RURAUX 1897 – collection privée
Les sentiers disparus totalement ou en partie
  • Le sentier du Dessous de la fontaine (prolongement de la rue du Clos de Pacy jusqu’à la rue des Fontaines).
  • Le sentier de l’Abreuvoir, le sentier de la Carpiotte (entre la rue de la Procession et la Grande voie de Noiseau, également disparue).
  • Le sentier des Porcheresses disparu lors de l’opération de la Fontaine de Villiers, est devenu une allée.
Mais il reste encore une vingtaine de sentiers ayant gardé leur nom et leur tracé, maillant le centre-ville.

Ils se situent un peu partout en ville : dans le quartier Montaleau, le quartier des Pendants, le quartier du Clos de ville.
Dans le quartier des Pendants (ce terme désignant peut-être des arpents de terre en pente) :

  • Le sentier du Moulin d’Amboile prend rue de Noiseau, se termine sentier des Bas Pendants.
  • Le sentier des Bas Pendants commence à la Petite voie de Noiseau, traverse les Hauts Pendants, sépare le lieu-dit les Bas Pendants et se termine sentier du Moulin d’Amboile.
  • Le sentier de la Fontinette commence à la Petite voie de Noiseau et se termine avenue de la Chapellerie.

Dans le quartier Montaleau:

  • Les sentiers du Haut Picard et du Bas Picard: les deux commencent rue des Fontaines et se terminent en impasse, de même le sentier Montaleau.
  • Le sentier de la Chaussée commence à l’avenue Maurice Berteaux et atteint maintenant la rue des Fontaines.
  • Le charmant sentier du Vieux Val serpente entre les jardins et va de la rue des Fontaines au sentier de la Chaussée.

Dans le quartier de la Garenne subsiste le minuscule sentier du Four à Chaux, commençant rue Lacarrière pour finir au sentier des Buttes presque intégralement disparu.

Mais c’est le quartier du Clos de Ville qui s’étire sur le versant en dessous de l’église où se trouvaient les vignes et les vergers qui est sillonné par de nombreux sentiers. Ces sentiers ruraux sont liés dès le Moyen Âge à la parcellisation des terres, mais aussi au lotissement des ces terrains dans les années 1990 avec des remembrements et des constructions.

D’ailleurs, les recommandations édictées à ce moment là, visent à éviter les murs en briques ou en béton, au profit de haies végétales. Si nous regardons le sentier des Clos (le nom de clos désigne des terrains cultivés entourés de murs et de haies), nous voyons qu’il figure sur le plan de 1691 et sur le cadastre de 1811. Il rencontre le court sentier du Clos de Ville qui longe le Jardin des Senteurs et les vignes de Sucy. Il croise le sentier de la Fabrique (nom de la petite équipe qui gérait les biens temporels de l’église) qui n’a subi aucune modification.

  • Le sentier de la Garenne, long de 330m, débute au sentier précédent ; il laisse à sa droite le sentier du Bas Boulard, traverse la rue des Boulards et continue jusqu’au sentier des Longuaines (dont le nom, tiré de l’ancien français longain qui signifie éloigné, désigne les latrines, le dépotoir, le cloaque !), aboutit au verger communautaire. Il croise le sentier de la Côte long de 434m
  • Le sentier du Bûcher tire son nom des bûcherons qui y préparaient le charbon de bois ; il se prolonge, après avoir traversé la rue Albert Dru, par le sentier du Bertou qui se termine au Bois Guyard.
  • Le petit sentier de la voie Suard de 61m se termine en impasse.

En bordure du quartier on trouve deux sentiers :

  • Le sentier du Bois Guyard cité dès 1412 qui va de la rue du Clos de Ville à la rue de Boissy.
  • Le sentier des Luards, agréable chemin mentionné lui aussi dès 1412.
CONCLUSION

Je voudrais conclure sur une image pittoresque de notre village: celle de la vigne et de la viticulture à l’origine de l’existence des sentiers particulièrement dans le Quartier du Clos de Ville. La culture de la vigne est attestée dès 811, sur les versants et aussi sur le Plateau, grâce au terrain de calcaire de Brie sur une couche de marne, ce qui permettait à l’eau de s’écouler et de ne pas stagner.

Détail Carte de l’Abbé de La Grive 1740 – collection privée et
les Coteaux de Sucy-en-Brie : http://confrerie-sucy.asso.fr

En 1412, 45% des cultures sont dédiées à la vigne et aux arbres fruitiers avec 90 hectares et 136 vignerons. Puis, petit à petit la surface attribuée décroît entre le XVIIe et le XVIIIe siècle: en 1789 subsistent 50 hectares. Dans les années 1900, la vigne a pratiquement disparu lorsque le phylloxéra lui donnera le coup de grâce. Toutefois un groupe de Sucyciens passionnés, réunis en association, a replanté des vignes; les premières vendanges eurent lieu en 1987. Il faut dire que la qualité de ce vin était assez discutable et l’on disait que « Le vin de Sucy faisait danser les chèvres ».`Mais cette production nous a laissé, avec les parcs et les forêts, un bourg plein de charme et de sérénité, malgré une urbanisation inévitable dans un bourg de la Petite Couronne parisienne.

ÉLIANE COBENO

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