Sucy, points d’histoire
Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie (shas.fr)
L’étude de Marc Giraud illustre un moment important de l’histoire de Sucy: la transition entre un village groupé autour de son église et du quadrilatère originel (rues du Moutier, de la Porte, Guy Moquet, du Temple) et une ville de banlieue qui prend son essor. Les lotissements ont commencé sur les anciens domaines des châteaux; la guerre de 1914-18 les interrompt avant qu’ils ne reprennent avec plus d’ampleur à partir de 1920. Les très belles cartes permettent de visualiser l’état de l’urbanisation à la veille de la guerre
Sucy en 1911 (première partie)
Le 24 avril 1911, monsieur Albert Perrault, maire de Sucy, signe le document présentant le recensement de la population à la veille de la Grande Guerre.
La ville est en pleine transformation. Le train est arrivé en 1872, la commune qui comptait alors 1072 habitants en compte désormais 1966, presque le double ! Le quartier de la gare a vu le jour, autour de sa nouvelle place.
Le domaine de Petit-Val a été vendu sous forme de lots en 1888, le pensionnat de Petit-Val est ouvert et accueille déjà 55 pensionnaires, les constructions débutent dans ce qui est le premier grand lotissement de la ville. La commune en a profité pour acquérir des terrains et construire les nouvelles écoles de garçons (en 1894) et de filles (en 1908) ; la rue des écoles a été créée qui abrite aussi la poste.
A travers ce recensement nous allons trouver de nombreux signes qui démontrent que Sucy c’est déjà un peu la banlieue.
La population : 1966 habitants, 70 soldats et 55 pensionnaires
Sur les 1966 habitants, 26 étaient absents au jour du recensement et nous ne savons d’eux que leur nom, c’est donc sur les 1940 autres que nous pouvons faire des statistiques. Nous ne savons rien d’autre que leur présence pour les 70 soldats au fort et les 55 pensionnaires de Petit-Val.
L’âge moyen des habitants est de 34 ans.
La répartition par tranche d’âges est la suivante :
Age en 1911 | Femmes | Hommes | Total | % |
0-9 ans | 140 | 158 | 298 | 15,36% |
10-19 ans | 158 | 140 | 298 | 15,36% |
20-29 ans | 161 | 93 | 254 | 13,09% |
30-39 ans | 176 | 152 | 328 | 16,91% |
40-49 ans | 140 | 126 | 266 | 13,71% |
50-59 ans | 117 | 115 | 232 | 11,96% |
60-69 ans | 68 | 90 | 158 | 8,14% |
70-79 ans | 42 | 44 | 86 | 4,43% |
80-89 ans | 10 | 8 | 18 | 0,93% |
90 ans et plus | 2 | 2 | 0,10% | |
Total | 1014 (52,3%) | 926 (47,73%) | 1940 |
La population est un peu plus âgée que la moyenne nationale en 1911 (source INED) :
Age en 1911 | Sucy | France |
0-19 ans | 30,7% | 33,6% |
20-59 ans | 55,7% | 53,6% |
60 ans et plus | 13,6% | 12,8% |
On constate un gros déficit d’hommes dans la tranche 20-29 ans. L’analyse montre que ce déficit est lié au fait qu’à cet âge les hommes ne viennent pas encore s’installer à Sucy comme chef de famille. Les femmes dans cette tranche d’âge sont présentes comme domestiques et aussi comme épouses de chef de famille plus âgés. Les logements, en particulier dans les nouveaux quartiers (gare et Petit-Val) sont-ils trop chers pour les jeunes couples ? Ce qui est certain c’est que nombreux sont ceux dont le premier enfant n’est pas né à Sucy…
D’où viennent-ils ?
Le recensement nous renseigne sur les lieux de naissance et là notre première surprise : le premier lieu de naissance des adultes (plus de 18 ans) est Paris devant Sucy et la moitié n’est pas originaire d’Ile-de-France.
Sucy et les communes limitrophes ne représentent que 38% des communes d’origine des adultes.
Paris | 264 | 17,68% |
Sucy en Brie | 252 | 16,88% |
Saint Maur | 15 | 1,00% |
Boissy Saint Leger | 14 | 0,94% |
Queue en Brie | 8 | 0,54% |
Noiseau | 8 | 0,54% |
Île-de-France | 746 | 49,97% |
France métropolitaine hors IdF | 707 | 47,35% |
Outre-mer | 3 | 0,20% |
Etranger | 37 | 2,48% |
Belgique | 9 | 24,32% |
Suisse | 9 | 24,32% |
Allemagne | 6 | 16,22% |
Italie | 5 | 13,51% |
Espagne | 2 | 5,41% |
Algérie | 2 | 5,41% |
Roumanie | 1 | 2,70% |
Turquie | 1 | 2,70% |
Royaume-Uni | 1 | 2,70% |
Luxembourg | 1 | 2,70% |
Si l’on analyse les enfants, 47% sont nés à Sucy mais la grande majorité en Ile-de France.
Sucy en Brie | 211 | 47,20% |
Paris | 94 | 21,03% |
Saint Maur | 8 | 1,79% |
Ormesson | 5 | 1,12% |
Créteil | 4 | 0,89% |
Île-de-France | 389 | 87,02% |
France métropolitaine hors IdF | 52 | 11,63% |
Outre-mer | 2 | 0,45% |
Etranger | 4 | 0,89% |
Sucy est donc déjà en 1911 une ville où de nombreux couples viennent s’installer après leur mariage, sans en être originaires.
Où habitent-ils ?
La carte de Sucy reconstituée
Cette carte a été établie à partir de cartes anciennes et en particulier du plan Garciot de 1907 et du cadastre napoléonien (disponible sur le site des Archives départementales)
Les grands domaines occupent encore une surface importante mais plus encore les champs et les bois.
La villa Sévigné a été lotie en 1861, le domaine de Petit-Val a fait l’objet d’un lotissement en 1888 (zone entourée d’un tracé rose), le château a été acquis par l’Eglise avec un grand terrain. Le château de Chaumoncel (zone entourée en rouge) a été détruit (il en reste une aile), son domaine a été loti en 1895. Les autres domaines sont encore épargnés par l’urbanisation.
Quartier | Nb d’habitants recensés |
Centre | 1199 |
Gare et Sévigné | 388 |
Petit-Val | 218 |
Ecarts | 96 |
Pensionnat | 94 |
Fort | 70 |
Les habitants se répartissent en 1911 dans trois quartiers (Centre, Gare et Sévigné et Petit-Val) et des « écarts », habitats isolés de la ville, auxquels il faut ajouter les 70 soldats au Fort et les 94 résidents (personnel et pensionnaires) du pensionnat de Petit-Val.
Le centre
Nous remarquons sur cette carte des différences importantes avec le centre actuel : les avenues W. Churchill et G. Pompidou (en pointillés) n’existent pas encore ! Le château dispose encore de ses communs à l’ouest du portail et ses écuries, à l’est. La ferme du Clos de Pacy est encore présente.
Le château de Chaumoncel (limite de l’ancien domaine en rouge) est loti, de beaux terrains boisés ont été sauvegardés et existent encore.
Les champs et clos sont aux portes du centre de la ville.
Les rues du vieux bourg sont les plus peuplées de la ville. Elles hébergent de nombreux commerces et abritent sans doute la plupart des habitants « historiques » (ceux d’avant l’arrivée du train).
Rue | Nb d’habitants recensés |
Rue de Boissy | 208 |
Rue du Moutier | 196 |
Rue du Four [Rue Guy Moquet] | 97 |
Rue de Brévannes | 96 |
Rue de Vesvres | 80 |
Rue de la Porte | 72 |
Rue du Temple | 66 |
Rue Ludovic Halévy | 61 |
Rue de la Recette [Place de l’Eglise] | 58 |
Rue de Paris [Rue Maurice Berteaux] | 57 |
Rue de Chaumoncel | 38 |
Rue des Fontaines | 37 |
Rue du Chemin de fer [Rue Pierre Semart] | 33 |
Place de l’Eglise | 31 |
Cour de la Mairie [Cour de la Recette] | 28 |
Rue des Picards [Rue C. et R. Bouchard] | 15 |
Rue des Ecoles | 13 |
Rue Lacarrière | 6 |
Rue Ste Amaranthe | 3 |
Rue du Clos Bourgoin | 2 |
Clos de ville | 2 |
Quartier de la Gare et de Sévigné
Le quartier est bien établi, les constructions nombreuses en particulier sur le pourtour de la place de la gare. On remarque sur le plan la localisation de l’usine à gaz et celle de la maison des marais, qui est encore visible le long de la route, dans l’enceinte de la verrerie actuelle.
Rue | Nb d’habitants recensés |
Rue de Coulanges | 111 |
Place de la Gare | 65 |
Rue Montaleau | 50 |
Rue Georges | 47 |
Rue Frédéric [Rue Henri Houpied] | 34 |
Rue de Champigny | 31 |
Rue de Sévigné | 29 |
Av. de la Gare | 18 |
Rue Villebois Mareul | 3 |
Le Closeau n’est pas encore construit, cela ne saurait tarder car dès 1913 nous trouvons des publicités pour sa vente par lots.
Quartier du Petit-Val
Le trait rose marque les limites du domaine avant son lotissement. Au sud de la Terrasse le fossé de la Chère Année marque la limite. Le ru de la Chère année coulait dans le Petit-Val et allait se déverser dans le marais, en 1911 nous constatons qu’il a été canalisé.
Pour l’anecdote, MM. Baré, Legrand, Loth, Marceau, Millet et Raleau sont les acquéreurs des principaux lots du domaine de Petit-Val en 1888, ils donnèrent leurs noms à des avenues mais ceux-ci furent changés après la guerre de 1914, seul celui de M. Marceau subsiste aujourd’hui.
Le quartier est en construction en 1911 et on constate que les rues au cœur du lotissement n’ont encore que très peu d’habitants, voir aucun pour les avenues Legrand [Guynemer], Loth [de Petit-Val] et Marceau.
Rue | Nb d’habitants recensés |
Rue de Villeneuve | 92 |
Rue du Chemin vert [Av. Albert Perrault] | 26 |
Rue de Bonneuil | 22 |
Bd Moulton [Bd de Verdun] | 16 |
Rue Raleau [Av. de la Somme] | 14 |
Impasse du Lac | 10 |
Rue Baré [Av. de la Marne] | 10 |
Av. de Boissy [Av. de l’Argonne] | 9 |
Rue des Sapins [Rue de l’Yser] | 9 |
Avenue Millet [Av. du Ml Galliéni] | 5 |
Bd de la Gare [Av. Albert Pleuvry] | 5 |
Les écarts
Outre les habitants vivant au cœur de l’agglomération, le recensement nous signale ceux qui vivent dans des habitats isolés, des écarts.
Rue | Nb d’habitants recensés |
Rue de Bonneuil (écart) | 19 |
Voie Suard (écart) [Av. du Petit-Val] | 15 |
Rue d’Ormesson (écart) [Av. Georges Pompidou] | 15 |
Rue de Paris (écart) | 13 |
Les Bruyères (écart) | 11 |
Sentier des Picards (écart) | 6 |
Rue de la Procession (écart) | 6 |
Rue Thérouanne (écart) | 4 |
Rue des Boulards(écart) | 4 |
Clos de Ville (écart) | 3 |
Recherches de Marc Giraud – 2021