Lettre n°52 – Mars 2024

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Sucy, points d’histoire

Lettre mensuelle de la Société Historique et Archéologique de Sucy-en-Brie (shas.fr)

ÉTIENNE BRULÉ : UN DÉCOUVREUR  DE  LA  NOUVELLE FRANCE

Avant propos

Ce personnage est né à Champigny, il fait partie des personnalités marquantes du  Val de Marne et je pense qu’il mérite que sa vie soit racontée .Je n’avais jamais entendu parler de lui avant 2010, et ce que j’ai découvert sur lui mérite bien le bref récit que je vous présente.

En mars 2010 je rencontre aux Archives départementales du Val de Marne une Canadienne, madame Danièle Caloz. Elle fait partie de la Société historique de Toronto et est également productrice de documentaires pour Radio Canada. Elle désire des renseignements sur « la vie de notre Étienne Brulé ». A Toronto la plus grande ville du pays où on ne connaît pratiquement que des Anglais et très peu de Français célèbres. Pourtant un Français jouit d’une grande renommée, il s’agit de Étienne Brulé connu à tel point qu’un parc et un lycée portent son nom, on a même écrit des livres pour enfants dans lesquels on raconte son histoire.

Stèle à Toronto
Plaque dans le Awenda Provincial Park, comté de Simcoe.
(au bord du lac Huron)

La société historique de Champigny avait en 1992  fait paraître un article très documenté mais un peu court à son sujet.

En septembre2010, madame Caloz revient, accompagnée cette fois d’un cameraman et d’un preneur de son. Je la retrouve aux Archives du Val de Marne où  elle m’annonce que la Société historique de Toronto va produire un film intitulé : A la recherche de Étienne Brulé.Ce film sera projeté au cinéma de Champigny l’année suivante, j’y assiste avec mon épouse et on m’en offre un DVD ainsi qu’un ouvrage écrit par un certain David Hackett Fisher, traduit en français, intitulé : Le rêve de Champlain.

En 2023 Eric Brossard et Amandine Lazzarini font paraître dans la revue CLIO 94 un long article sur ce personnage qui contredit en partie le texte de l’auteur canadien.

Pour rédiger cet article j’ai travaillé sur les deux sources que j’ai trouvées.

Sa vie et ses voyages

Ses origines à Champigny

Ses parents Spire Brulé et Marguerite Guérin se sont mariés à Champigny le 24 janvier 1794, on a retrouvé la naissance de deux frères et une sœur, malheureusement il y a un trou dans le registre paroissial pour les 10 dernières années du XVI° siècle. Donc première incertitude pour l’âge d’Étienne à son arrivée en Nouvelle France.

L’auteur canadien parle du départ de Champlain de Honfleur en 1608, voyage à l’issue duquel sera fondé Québec. Cet auteur parle entre autre de deux jeunes gens : Étienne Brulé et Nicolas Marsolet. Il est certainement mal renseigné et voici pourquoi.

Dans un acte daté du 5 juillet 1604 entre Étienne Brulé et la fabrique de Champigny il est question d’une certaine Alizon Coiffier qui est mentionnée comme sa femme. Dans un autre acte établi le 31 mai 1608 à Paris, Étienne Brulé vend un quartier de vigne à un certain Michel Genevray, il ne peut pas être sur le navire qui quitte Honfleur en mars 1608. Nous ne connaissons pas la date du mariage entre Étienne Brulé et Alizon Coiffier, mais nous savons que sa femme est plus âgée que lui , chose plutôt rare à l’époque, surtout pour un premier mariage. Ils n’auront pas d’enfants. Dans un acte de janvier 1610, Brulé fait mentionner un douaire coutumier au profit de sa femme Alizon Coiffier, ce qui la protège s’il venait à mourir ou à disparaître. Brulé reviendra plusieurs fois en France et à chaque fois il reconstitue le lien avec sa famille et son village.

Premier voyage

Il n’est donc arrivé en Nouvelle France qu’au printemps 1610.  Il ne dit pas qu’il est marié mais ce mariage laisse penser qu’il n’envisage pas de s’établir en Nouvelle France. Son départ ne semble être ni une fuite ni une volonté de rompre avec sa vie d’avant, comme le dit Eric Brossard.

Dès son arrivée, Champlain envoie Brulé  chez les Hurons comme «  truchement » ou interprète, à cette époque l’interprète est explorateur, linguiste, commerçant, diplomate et anthropologue. C’est à sa demande que Brulé va vivre dans une tribu indienne  Le chef indien promet de tenir Brulé comme son fils. En échange celui ci demande à Champlain d’emmener un jeune Huron du nom de Savignon en France, de lui enseigner les manières françaises et de de le ramener dans son pays.

Un an plus tard Champlain est de retour, il retrouve Savignon qui dit du bien de la réception qu’on lui a fait en France et Brulé, habillé de peau de daim comme les indiens et parlant leur langue. Il a probablement épousé une indienne . Les tribus indiennes pratiquent l’égalité des sexes, les femmes choisissent leur conjoint qu’elles prennent « à l’essai ». Champlain encourage Brulé à rester chez les indiens pour maitriser complètement « leur façon de vivre ». Il parle de lui comme : d’un jeune homme sympathique, brillant et gai, avec un sens de l’initiative hors du commun .

En 1615 Brulé retrouve Champlain en Huronie, il lui raconte qu’il a beaucoup voyagé en Amérique du Nord . Il a remonté la cote nord jusqu’à la mer douce, le lac Huron aujourd’hui. Il a vu au moins quatre des grands lacs. Il est le premier européen à avoir fait ces découvertes.

Il disparaît ensuite pendant trois ans, on le croit mort. En 1618 il revient dans la vallée du Saint Laurent, ne semble nullement pressé de retrouver Champlain . Il faut le convoquer. Il raconte que lui et ses compagnons hurons ont parcouru un immense territoire. Ils ont exploré la vallée de l’Ohio, le Potomac et la baie de Chesapeake. Sur le chemin du retour, ils sont tombés dans une embuscade et ont été fait prisonnier, il a même été torturé . Il a obtenu sa liberté en leur promettant de se faire leur ambassadeur après des Français, certains de leurs chefs désirant établir des relations avec eux.

Brulé tient néanmoins à retourner en pays huron où il se fait trafiquant de fourrures. En 1621 il arrive à Québec avec un lot de 400 peaux de castor qu’il revend avec profit. C’est à ce moment que les choses commencent à mal tourner. Les missionnaires font état de « la mauvaise vie que la plupart des Français mènent au pays des Hurons ». En particulier l’interprète Brulé  est « fort vicieux et adonné aux femmes et il accepte des pots de vin des traiteurs ».

A cette époque la mode des fourrures fait fureur en Europe, en particulier les chapeaux en peau de castor sont très recherchés

Retour en France et dernier voyage

Il rentre en France en 1622 et revient au Canada en 1623. Sa connaissance du commerce avec les indiens fait de lui un homme recherché et la Compagnie des Cents-Associés l’emploie à des conditions généreuses. Pendant un de ses séjours en France il achète une maison à Paris, cette maison Eric Brossard et son équipe ont retrouvé son emplacement, près d’un couvent occupé aujourd’hui par la lycée Charlemagne. Il prête de l’argent à plusieurs familles de Champigny, ce qui prouve qu’il prévoit de revenir, sans doute définitivement. Il est encore en France en 1626 mais à son retour en Nouvelle France il est capturé par les Anglais et emmené à Londres. C’est là qu’il  accepte de faire alliance avec les frères Kirke contre ses compatriotes. Les frères Kirke étaient les chefs de guerre des troupes anglaises dans la partie qu’ils contrôlaient en Nouvelle France. Ceux ci firent le siège de Québec et Champlain et les siens durent abandonner leur installation en 1629.                                         

Aux remontrances que fit Champlain, Brulé ainsi que l’autre interprète Marsolet répondirent qu’ils avaient été forcés d’entrer au service des Anglais. Champlain n’en crut pas un mot et entra dans une violente colère. Les interprètes répondirent que si on les tenait en France, ils seraient pendus Ce fut la rupture. Brulé se retira en pays huron. On peut penser que ses rapports avec les Hurons s’étaient détériorés car ils lui ordonnèrent de quitter le pays. Repoussé de toutes parts et après de logues discussions, les Hurons le tuèrent en juin 1633 . Ils prévinrent Champlain en lui assurant que c’était le seul homme qu’ils aient jamais tué. Champlain le ne leur en tint pas rigueur

La nouvelle de sa mort ne fut connu en France qu’en 1633. Alizon Coiffier se remaria le 5 mai 1537 avec un certain Jehan Tridart. Le contrat de mariage montre que Alizon Coffier dispose d’une réelle aisance financière, elle rompt avec son milieu d’origine et intègre la bourgeoisie parisienne.

Texte préparé par Henri Boulet

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